Au départ, le projet de ce spectacle trouve son origine dans l'histoire de l'Allemagne nazie mais plus universellement, parle de tous les bourreaux et victimes de pays concernés par des dictatures, le fascisme ou des crimes contre l'humanité. Il questionne aussi notre responsabilité envers les enfants d'aujourd'hui et demain.
En faisant des recherches, j'ai découvert des faits historiques sur mon grand-père qui avaient été occultés par le mutisme familial. Ce silence, renforcé par le tabou collectif sur la période du troisième Reich, étend son influence jusqu'à aujourd'hui et nos enfants.
Lors de rencontres avec la "Bibliothèque humaine" à Toulouse, j'ai été invitée à me présenter comme un livre. J'ai choisi comme titre : "Petite fille d'un nazi". Les rencontres avec mes "lecteurs" m'ont montré l'intérêt pour cette thématique du fardeau familial, du nazisme et le poids du silence existant en France aussi.
Par la suite, j'ai fait la connaissance de Marie Vaislic, déportée de Toulouse à Ravensbrück (convoi spécial des enfants à partir de la Gare Raynal), et Jean Vaislic, un juif polonais déporté à Auschwitz qui, en tant que travailleur forcé, avait construit le chemin de fer que mon grand-père avait planifié dans «les territoire de l’Est du Reich». Cela m'a profondément bouleversée et j'ai alors pris mon courage à deux mains pour recueillir sa parole ainsi que celle de sa femme.
Les derniers témoins de la seconde guerre mondiale s'en vont et c'est l'ultime moment pour travailler à partir de ces témoignages précieux.
Mon grand-père paternel est devenu "Reichsbahndirektor für die Ostgebiete", directeur des trains pour les territoires de l'Est annexés par le Reich et donc responsable de la création du réseau ferroviaire créé pour acheminer les "non-désirés" vers les camps, essentiellement situés là-bas.
Cette attitude de rejet de la part de mon grand-père n'a pas seulement concerné les juifs, les tsiganes, les résistants, les homosexuels, etc., mais aussi des membres de sa propre famille considérés comme des "Lebensunwerte Leben" (littéralement : vie qui ne méritent pas de vécu) ou êtres inférieurs. J'étais moi-même loin de l'idéal aryen, avec mon visage rond et mes yeux bruns. Enfant, j'avais accepté. Je n'étais pas consciente de cela.